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UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DES LETTRES
Département de Philosophie
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L’hypothèse de la noétique
générative holiste
Avec son application aux
notions de genre et espèce de l’Isagoge de Porphyre
Par
Jaime Vladimir Torres-Heredia Julca
Juin 2006
¤v gr toÝw m¡resi tò ÷lon
Porphyre,
Isagoge, (De l’espèce)
Texte protégé par IDDN (www.iddn.org).
Référence IDDN : IDDN.CH.010.0106630.000.R.P.2006.035.31235
Table des matières
I.- Introduction
II.- Principes de la noétique holiste générative
III.- La noétique holiste générative et les genres et les espèces de Porphyre
IV.- La noétique holiste générative est son application aux sciences formelles en général
V.- Conclusions
VI.- Bibliographie
I.- Introduction :
Le
problème du genre et de l’espèce remonte au moins à Platon qui l’a traité à
l’aide de sa théorie des Idées. Ensuite Aristote a traité ce problème en
proposant sa théorie de l’universel.
Porphyre
a traité ce problème dans son Isagoge en précisant qu’il le ferait
surtout d’un point de vue logique.
Cela veut dire qu’il ne traite pas le problème de la nature ultime du genre ou
de l’espèce : il va s’intéresser surtout, entre autres, aux liens qu’il y
entre le genre, les espèces, les trois autres voix et les individus[1].
Mais
les liens qu’il y a entre ces cinq voix sont sûrement dépendants de la nature
profonde de l’espèce et du genre. C’est pourquoi une étude de la nature du
genre et de l’espèce à un niveau noétique serait aussi intéressante pour voir
si l’on peut expliquer en quelque sorte les liens et autres propriétés exposées
par Porphyre et aussi par Platon et par Aristote.
Justement,
le but de ce travail est d’étudier ce qui pourrait correspondre dans notre
esprit[2]
aux Idées, aux universaux, aux genres ou aux
espèces à l’aide d’une hypothèse que l’auteur de ce travail appelle la
noétique générative holiste (= NGH). Cette hypothèse concerne la noétique dans la mesure où elle propose un modèle de
l’activité de l’esprit en suivant la tradition des recherches noétiques de
l’antiquité gréco-romaine, de la philosophie arabe et du Moyen Age occidental.
L’objectif
de la NGH est de proposer quelques solutions à des problèmes posés par la
noétique comme le problème de l’abstraction. La
NGH tente aussi de s’inscrire dans le cadre des recherches contemporaines sur
le holisme effectuées dans des domaines comme la sémantique, les
mathématiques, la physique ou la psychologie. Enfin, la NGH tente aussi de
proposer une explication au principe génératif que l’on observe dans
beaucoup de sciences formelles, notamment dans les grammaires génératives de Noam Chomsky[3],
les mathématiques, etc .
Comme on le verra plus
loin, la NGH se base évidemment les travaux de Platon, Aristote, Plotin, Porphyre,
Averroès, Albert le Grand, Chomsky, Charles Dunan et du philosophe et médecin
espagnol Juan de Huarte de San
Juan dont on présentera brièvement l’oeuvre intitulée Examen des esprits[4]. Le but de la NGH
est de reprendre leurs travaux concernant l’activité intellective mais en
posant trois principes noétiques qui seront expliqués plus loin :
-
Le noème en tant principe de la pensée
-
Le principe génératif
-
Le principe holiste de la génération des noèmes
Le but de ce travail
n’est pas de traiter la partie de la noétique qui concerne les origines de la
pensée, mais plutôt de décrire comment se passe le processus de la
pensée en partant du principe qu’il y a un intellect qui contient des concepts a
priori ou des principes innés et qui génère des objets noétiques comme on
le verra plus loin.
De plus, en ce qui
concerne les liens entre l’intellect et le cerveau, la NGH part du principe que
le cerveau humain constitue des informations tirées des données sensorielles et
qui vont permettre à l’intellect de former des pensées. Ces pensées peuvent
avoir des liens avec le cerveau comme l’étudient les sciences cognitives
actuellement mais la NGH s’intéresse à l’intellect en tant que principe
intellectif déjà constitué en laissant de côté, du moins dans un premier temps,
les questions cruciales sur les liens entre l’intellect et le cerveau.
II.- Principes de
la noétique holiste générative :
Le principe holiste dans le cadre de la
sémantique :
En
étudiant le langage on remarque souvent que la signification des mots fait
partie d’une sorte de réseau qui relie
les diverses significations[5].
A partir de ce type de constatations s’est développée, par exemple, la thèse du
holisme sémantique que Pascal Engel
formule ainsi : « La signification des mots (dans un langage en
général, pas seulement dans un discours philosophique) n’existe pas
indépendamment de celles d’autres mots, de leurs occurrences dans des phrases,
et en dernière instance, des significations des phrases de l’ensemble d’un
langage. »[6].
Or,
il est tout à fait légitime de se demander, dans le cas où l’on accepte la
thèse du holisme sémantique, ce qu’il en est au niveau de notre
intellect, plus précisément au niveau des nos pensées : notre pensée
a-t-elle une structure holiste ?
Une formalisation du holisme :
Un
système holiste peut être caractérisé par les deux principes suivants[7] :
(P1) Le tout est plus que la somme de ses
parties
(P2) Les parties tirent leur possibilité de
leur inscription dans un tout
Ces
propositions primitives peuvent être formalisées de la manière suivante :
Comme
nous le verrons par la suite, la noétique holiste générative répond à ces
principes.
L’intellect :
Dans
la NGH l’intellect est une substance qui a la puissance de créer ou générer des
objets noétiques et qui contemple ou observe ces objets noétiques. Les objets
noétiques créés se développent dans un milieu holiste, ce qui veut dire entre
autres que les objets noétiques mentionnés héritent en quelque sorte des
propriétés de l’intellect lui-même. Ces objets noétiques, tout en se différentiant
de l’intellect global, sont dans l’intellect. Et ce qu’on appelle
« pensée » correspondrait à la contemplation ou observation de ces nouveaux
objets noétiques générés par l’intellect : de cette façon ce dernier
s’observe lui-même comme l’avaient exposé Aristote pour le Moteur Premier
ou Plotin en parlant de l’Intellect[8].
Ceci rejoint aussi ce
qu’avait écrit Aristote en disant que l’intellect devient toutes choses[9].
Ceci peut être interprété de façon holiste. En effet, la forme intelligée hérite des propriétés de
l’intellect global et évolue dans l’intellect lui-même. Par ailleurs Alexandre
d’Aphrodise écrivait que « l’intellect en acte n’est rien d’autre que la
forme pensée, si bien que chacune de ces choses qui ne sont pas purement et
simplement intelligibles devient intellect lorsqu’elle est pensée (…). »[10].
Il est important aussi
de remarquer que quand on dit que l’intellect devient toutes choses,
l’intellect aura aussi, comme l’écrit Dunan en décrivant la pensée, « les
caractères de tout ce qui devient, la mobilité, la variabilité, la succession
dans la durée, (…), les caractères opposés, l’immutabilités, l’identité
parfaite ; (…). »[11].
Et plus loin il écrit : « Si la pensée c’est l’esprit lui-même,
on peut concevoir à la rigueur que la pensée une et multiple se présente sous
la forme du temps ou encore sous celle de l’espace »[12].
L’intellect possède donc des éléments a priori grâce auxquelles des pensées
seront générées.
L’idée de création
d’objets noétiques et sa comparaison avec la pensée de Dieu se trouve dans
l’ouvrage de Juan de Huarte de San
Juan : pour lui l’intellect est fondamentalement une faculté générative[13].
C’est par cette
observation de l’intellect par lui-même à travers ses objets noétiques générés
que l’on dit que l’intellect est un est multiple. Il est un parce que tout se
passe dans l’intellect mais il est multiple parce qu’il génère en lui-même des
objets noétiques et le tout de façon holiste comme on le précisera plus loin. .
Ce problème de l’un et du multiple a été amplement exposé par Plotin dans ses Ennéades lorsqu’il
décrit l’Un et l’Intellect.
Par
ailleurs il faut remarquer que pour décrire l’intelligence Aristote a eu
recours à la notion de puissance. En effet, il écrit que l’intelligence
« ne peut même avoir la moindre nature, en dehors de celle qui consiste à
être un possible ! »[14].
Ce caractère « possible » se transmettra évidemment aux objets
noétiques générés comme c’est expliqué plus loin.
Comme
nous l’avons vu, l’intellect produit un objet noétique que nous appellerons désormais le noème.
Le noème :
Le
terme noème provient du grec nóēma qui
peut avoir cette traduction : la pensée comme résultat de l’acte de
penser[15]. Dans la NGH le noème est
ce que l’esprit génère par un acte créateur qu’on appelle penser. Penser
c’est, pour notre intellect, créer des noèmes qui sont au fond des produits de
l’intellect et qui ont en quelque sorte pratiquement toute la puissance de
l’intellect[16].
Le noème est une
sorte d’élément cognitif qui serait au cœur de la pensée. A la base un noème
possède en quelque sorte la puissance de tout l’intellect. Or, l’intellect
c’est l’être qui pense et le noème principal dans la pensée de l’homme c’est
l’homme lui-même.
L’esprit humain est un
noème qui génère d’autres noèmes. Et une fois qu’il les a générés il les
contemple ou observe[17].
Et ceci veut dire que l’intellect (ou l’esprit ou l’homme) s’observe lui-même
en observant sa création.
Comme on l’a écrit plus
haut, puisque les noèmes peuvent hériter des traits fondamentaux de l’intellect
global, alors l’intellect peut générer des noèmes-espace,
des noèmes-géométriques, des noèmes-numériques, etc.
Le noème est
essentiellement un et multiple puisqu’il hérite des trais fondamentaux de
l’intellect lui-même qui est un et multiple. Ceci sera précisé aussi plus loin lorsqu’on traitera le problème
des genres et des espèces.
Un noème généré par
l’intellect (ce qu’on appelle une pensée) peut générer d’autres noèmes
et possède deux aspects principaux :
a) L’aspect actuel :
des caractéristiques précises qui font que c’est un noème précis qui se
distingue de l’intellect global (tout en étant dans l’intellect par holisme).
Dans l’aspect actuel du noème l’héritage, les caractères des noèmes géniteurs
jouent aussi un rôle.
b) L’aspect puissance :
des puissances héritées de l’intellect . Le noème, tout en ayant un aspect actuel,
a aussi la puissance de modifier certains de ses traits tout en restant le même
noème. L’aspect puissance dépend aussi des puissances des noèmes géniteurs.
Le processus de génération des noèmes :
Comme
l’intellect global lui-même, un noème peut générer d’autres noèmes qui à leur tour généreront d’autres noèmes. Cette
idée a été exposée aussi par Juan de Huarte : il
écrivait en effet que l’intellect engendrait des fils et des petits-fils.
Evidemment, tout cela rappelle les propos de Plotin concernant la génération,
ou plus précisément la procession, à partir de l’Un.
Le noème généré aura un
aspect actuel qui le distingue d’autres noèmes et un aspect puissance
hérité de ses géniteurs. En outre les noèmes générés font partie d’un système
holiste. Chaque noème généré garde des liens avec ses géniteurs et avec les
autres noèmes.
Ci-dessus on peut
observer une représentation de la génération des noèmes à partir de
l’intellect. Comme l’écrivait Juan de Huarte, le Noème
1 peut avoir un fils qui est le Noème 1.1 ou un autre
fils qui serait le Noème 1.2 avec d’autres caractéristiques actuelles
qui le différencient du Noème 1.1 :
Pour bien mettre en évidence
le fait que cette génération de noèmes se passe dans l’espace holiste de
l’intellect, on peut réaliser le schéma suivant qui met l’accent sur le fait
que, par exemple, le Noème 1 hérite des puissances de l’intellect tout
en s’en différenciant un peu par des aspect actuels. Il en est de même
du Noème 1.2 qui hérite des puissances du Noème 1 et aussi de l’Intellect
par transitivité :
Mais pour bien mettre en
évidence le fait que les noèmes générés de la première et de la deuxième
génération héritent des puissances de l’intellect et des noèmes géniteurs, on
peut réaliser le schéma suivant qui concerne le Noème 2.1:
Ce schéma montre que le Noème
2.1 possède en lui les puissances et certains traits actuels des
noèmes géniteurs, ce qui correspond justement à un schéma holiste.
Comme
le disait Porphyre en parlant de l’espèce, le tout est dans la partie.
Or,
la question de savoir par quel principe l’intellect génère des noèmes reste
ouverte. En effet, on pourrait penser comme Aristote qu’il faut un intellect
agent pour faire en sorte qu’un noème génère d’autres noèmes.
Les caractéristiques actuelles
et caractéristiques en puissance des noèmes :
Les
noèmes générés ont des caractéristiques qui les distinguent d’autres noèmes.
Ces caractéristiques peuvent être actuelles en un sens, comme dans le cas du noème-homme qui a comme trait la rationalité, et elles
peuvent être en puissance comme par exemple le pouvoir de devenir marin.
Quand
un noème génère un autre noème, ce dernier peut actualiser certaines puissances
du noème géniteur. Ainsi le noème-animal a une forme
géométrique en puissance, autrement dit indéterminée, mais le noème-cheval peut avoir déjà une forme géométrique plus
précise quoiqu’il peut y avoir des indéterminations ou puissances jusqu’à
atteindre par des noèmes tel cheval particulier de course, par exemple.
Processus de l’abstraction :
Par
les sens notre cerveau arrive à constituer des informations sonores, visuelles,
etc. A partir de ces données notre intellect va générer des noèmes qui vont
s’appliquer à ces informations.
Par
exemple, en voyant des animaux notre esprit va faire appel à un noème
« animal » qui a déjà été généré antérieurement par un processus
d’apprentissage qui correspond en fin de compte à la création de noèmes. Ce
noème « animal » correspond à un être vivant qui se déplace et qui a
les caractéristiques de ce qu’on entend par animal. Dans le noème il y aura les
traits de l’animal selon les connaissances de celui qui génère ce noème[18].
Puis,
si nous observons un cheval, alors nous faisons appel (ou nous créons si nous
voyons un cheval pour la première fois) à un noème « cheval » qui a
été engendré à partir du noème « animal ». Le noème cheval contient
en lui-même les puissances du noème « animal ». Ils sont intriqués.
Puis si l’on observe un cheval particulier on génère un noème particulier pour
ce cheval et ce dernier noème contiendra en lui-même les puissances des noèmes
« cheval » et « animal ».
Il
en est de même lorsqu’on voit Socrate : d’abord on fait appel au noème
« Animal » qui contient lui-même le noème « homme » et qui
contient le noème « Socrate ». Lorsque l’on voit Socrate mentalement
nous générons un noème qui lui correspond et qui, en plus des caractéristiques
de Socrate, contient en lui-même les puissances de « Animal » et de
« homme ».
Il
est crucial de tenir compte du l’aspect créateur des noèmes car sinon on
pourrait croire que les noèmes « Animal » et « Homme » qui
s’appliquent à Socrate sont des absolus. En fait tel n’est pas forcément le cas
et l’on peut organiser les connaissances autrement en créant d’autres noèmes en
leur associant d’autres noms linguistiques. Selon les systèmes de noèmes
générés on aura d’autres systèmes ou d’autres classements des êtres.
Par
exemple lorsque Linné a présenté son système de classement des plantes, il a
généré en lui des noèmes avec le système d’héritage holiste mais ce n’était pas
forcément un système absolu, d’où les discussions qui s’en suivirent. On peut
construire divers systèmes ontologiques tout comme on le fait actuellement dans
les systèmes informatiques d’intelligence artificielle[19].
La composition ou synthèse par la
génération – la création de groupes ou types:
On
pourrait croire que la composition de concepts n’est pas vraiment une
génération au sens fort : si nous avons des noèmes qui correspondent à des
morceaux de bois et à certaines pièces métalliques précises alors on pourra composer
une chaise mais on pourrait penser que le noème-chaise
ne sera pas issu de noèmes géniteurs.
En
réalité, si l’on analyse les noèmes correspondant aux morceaux de bois et aux
pièces métalliques, on verra qu’ils sont issus d’un même noème-objet
ou noème-corps. Or, à partir de ce noème-corps qu’on pourra générer des objets
métalliques et en bois de telle sorte qu’on aura un nouveau noème holiste
correspondant à la chaise.
Ce principe de
composition peut être appliqué à n’importe quelle autre composition de noèmes.
Le principe pour composer deux ou plusieurs noèmes est donc de remonter à un
ancêtre commun à tous ces noèmes et de créer, à partir de cet ancêtre commun, un
nouveau noème qui contient en lui, de façon holiste, les autres noèmes (ou
parties).
Voici un schéma qui
montre par exemple la composition du noème-chaise :
Comme on le voit le noème-chaise est issu du noème-corps
qui a généré « en lui », de façon holiste, d’autres noèmes-corps qui ont d’autres traits (végétal, métallique)
et qui composent un noème-chaise.
De façon générale on
peut créer des groupes de noèmes de toutes sortes. Les groupes, qui sont
multiples par nature, seront un par le noème qui les génère et qui les
contient de façon holiste. Dans chaque noème-partie
du groupe de noèmes il y aura le noème qui les a générés de telle sorte que
l’unité est réalisée et de telle sorte qu’on peut dire que chaque noème-partie est bien une partie du groupe. Ceci sera utile
plus loin pour la théorie générative holiste des nombres.
Avec ce principe on peut
créer aussi des groupes de noèmes qui ont certains traits commun : par
exemple un noème-groupe qui lie 6 cubes de couleur
verte.
Le noème-mouvement :
Le
mouvement (et aussi toute action, création, création, etc.) est aussi un noème
holiste dans notre esprit. En effet, par exemple l’idée de « manger »
inclut des mouvements des muscles buccaux,
des bras, des mains, etc. Tout cela est regroupé par un noème holiste qu’on
peut appeler noème-manger comme on l’a vu plus
haut.
Lorsque
le mouvement a un but ou lorsque l’action a un objet, alors le noème-agent et le noème-objet
feront partie d’un noème holiste comme dans le cas de la composition qu’on a vu
plus haut. Par exemple quand par notre intellect nous pensons qu’un train
s’approche d’une ville, au niveau des noèmes nous générons un noème-système holiste à deux sous-noèmes
générés (le train et la ville) qui évolue au cours du temps de telle sorte que
les deux objets sont de plus en plus proches (dans le noème-espace).
Processus inconscient de création de
noèmes et conscience de ce processus :
Le
processus de création de noèmes est dans une certaine mesure inconscient mais
par un travail d’introspection on peut arriver à trouver des liens entre les
noèmes. On peut se poser des questions sur ce que l’on entend par
« abeille » par exemple et petit à petit notre esprit retrouve les
noèmes géniteurs du noème qui correspond à abeille[20].
C’est ce que, selon Platon, faisait
Socrate en demandant ce qu’étaient les choses ou les notions comme la justice.
L’hypothèse de l’intellect global
holiste comme interprétation de la noétique d’Averroès:
De
même que l’intellect de l’homme peut générer des noèmes dans un espace holiste,
il se peut que les intellects des humains soient plongés dans un espace
intellectuel holiste partagé par tous. Cela correspondrait à ce que voulait
dire le philosophe andalous Averroès en écrivant que l’intellect possible
était unique pour tous les hommes. Cette expression peut être interprétée
dans le cadre de la noétique holiste générative appliquée à un système holiste
plus global qui concerne l’ensemble des intellects des humains.
La
proposition d’Averroès peut se comprendre aussi si l’on soutient que c’est la
puissance d’un intellect global qui est en chaque homme et non pas un intellect
actuel. Chaque homme fera ce qu’il veut de la parcelle de puissance
intellectuelle qui lui revient de façon holiste.
Puissance et possibles :
Notre intellect a
conscience des possibilités génératives des noèmes. Un noème est comme une
sorte de graine qui contient en puissance d’autres noèmes. L’intellect peut être
conscient de ces puissances car, comme on l’a dit plus haut, le noème est une
génération de l’esprit humain qui est lui-même un noème global.
Ce principe des
puissances des noèmes est à la base des notions de possibilité, de futur, etc.
Apprentissage et création :
La
connaissance se fait grâce aux noèmes mais cela ne veut pas dire que toute la
connaissance est dans l’esprit humain.
Les hommes créent des noèmes de différentes sortes à partir de noèmes a
priori qui sont dans l’intellect et ils se les communiquent et la
connaissance (les noèmes générés) sont partagés et la connaissance globale de l’humanité s’enrichit.
Le
noème sans trait précis, bref l’intellect en tant que puissance, correspond en
quelque sorte à la tabula rasa d’Aristote. Il n’a pas de forme et
pourtant c’est quelque chose dans un sens mais rien dans le sens où
effectivement il n’a pas généré de noème.
Origine du principe causalité :
L’un
des principes de la causalité qu’on applique à beaucoup de phénomènes et de
théories proviendrait de cette capacité générative de l’intellect. En effet,
l’esprit génère des noèmes et naturellement l’idée de causalité est en nous et
nous l’appliquons à ce que nous observons.
Par
ailleurs il faut signaler que dans la nature souvent les choses semblent se
passer comme dans notre esprit par génération. On le voit surtout chez les
êtres vivants.
Le holisme de l’intellect et le holisme
de l’univers :
Mais aussi dans la nature il y a des systèmes holistes qui sont étudiés actuellement dans des domaines comme la physique. On peut citer l’étude des photons intriqués[21]. Il s’agit de photons qui, pour des raisons encore indéterminées, ont des liens alors qu’ils sont séparés souvent de plusieurs kilomètres. Si l’on agit sur l’une des particules cela affectera instantanément l’autre alors qu’apparemment rien ne les relie.
On a parlé de « transmission » de l’information des particules mais il se peut qu’on ait là en quelque sorte un système holiste où les particules partagent quelques chose de commun si se trouve simultanément dans les deux.
Si un tel système holiste est possible entre deux particules, on peut penser que cela est possible au niveau de notre cerveau et de notre intellect qui agiraient comme des systèmes holistes.
La
noétique holiste générative et les Idées de Platon et les Universaux
d’Aristote
Les Idées de Platon peuvent être interprétées en tant que noèmes.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’intellect peut générer des noèmes qui
correspondent à la notion d’animal ou d’homme. D’ailleurs Platon
lui-même a proposé dans le Parménide de voir dans les Idées des pensées
mais comme il l’a exposé, cela posait des problèmes à cause des liens entre ces
pensées et les objets de la nature. Evidemment, ce problème concerne aussi la
NGH car, lorsque l’on observe un objet de la nature, on le classe de diverses
façons selon nos noèmes et l’on peut étudier la nature des liens qu’il y aura
entre nos noèmes et les objets de la nature.
Mais pour Platon les Idées sont éternelles et immuables. Or, dans la NGH des concepts comme celle d’abeille sont plutôt des créations de notre intellect mais une question demeure : comment l’intellect, même s’il agit selon la noétique holiste générative, peut générer cette idée d’animal ? La même question peut se poser par rapport aux objets mathématiques. Ces réflexions sur l’origines des noèmes eux-mêmes et l’origine des leur puissances concerne la métaphysique et l’étude des formes a priori comme le proposait Kant.
En fait Platon pose des questions auxquelles on peut toujours réfléchir. Sa solution est que les principes ultimes, les Idées, sont éternels. Il se peut qu’il y ait des concepts a priori éternels alors que les autres sont créés par notre activité noétique à l’aide de ces concepts a priori. La question reste ouverte mais cela n’empêche pas de décrire le processus intellectif comme une génération holiste.
En ce qui concerne les universaux d’Aristote, on peut proposer une interprétation qui correspond à la NGH. Aristote écrit que l’universel demeure dans l’intellect et ceci peut se passer de manière holiste.
IV.- La noétique holiste générative et les genres et
les espèces de Porphyre
Les cinq
voix de l’Isagoge:
Comme on l’a entrevu plus haut et comme on va le préciser, l’hypothèse de la NGH s’accorde avec la description des genres et des espèces de Porphyre (et aussi des autres 5 voix).
Prophyre
nous présente les cinq voix (genre, espèce, différence, propre et accident) de
telle sorte qu’ils sont liés de façon hiérarchique comme on le voit
ci-dessus :
Le
Genre :
Par rapport au genre, Porphyre
écrit :
« 4.
‘Genre’ se dit encore d’une autre façon : c’est ce sous quoi l’espèce est
rangée, peut-être ainsi nommée à l’imitation des [significations]
précédentes : de fait, le genre dont nous parlons est une sorte de
principe pour ce qui est sous lui, et il semble embrasser toute la multiplicité
qui est sous lui.
5.
‘Genre’ se dit donc de trois façons, et c’est de la troisième qu’il est
question chez les philosophes. Pour décrire [ce genre], il le définissent
ainsi : [le genre] « c’est ce qui est prédicable de plusieurs
différant par l’espèce, relativement à la question : ‘qu’est-ce que c’est ?’ »,
par exemple [animal]. »[22]
Comme
on le voit, Porphyre nous décrit tout d’abord le genre comme étant ce sous quoi
l’espèce est rangée. Il y a une idée de « contenance » ou
d’inclusion. Et après il précise que le genre est une sorte de principe pour
ce qui est sous lui, et il semble embrasser toute la multiplicité qui est sous
lui. Il est clair que ces propos
correspondent à la description holiste que nous avons faite plus haut.
Il
faut remarquer que même si Porphyre a écrit au début de son ouvrage qu’il ne
traiterait pas le problème des genres et des espèces que d’une manière logique,
il ne peut pas empêcher des descriptions ontologiques voire noétiques. Quand il
dit que le genre semble embrasser toute la multiplicité qui est sous lui,
Porphyre entre déjà dans un domaine plutôt ontologique ou onto-noétique
car il est évident que le genre en tant que terme ne peut pas embrasser quoi
que ce soit.
Ensuite
il écrit : « pour décrire [ce genre], il le définissent ainsi :
[le genre] « c’est ce qui est prédicable de plusieurs différant par
l’espèce, relativement à la question : ‘qu’est-ce que
c’est ?’ », par exemple [animal] ». Par
rapport à cela, il est clair que pour pouvoir dire que plusieurs diffèrent
par l’espèce, il faut déjà que par notre intellect nous puissions savoir que
plusieurs choses diffèrent par l’espèce ; en plus il faut savoir qu’un prédicable
s’applique à ces choses qui diffèrent par l’espèce. Pour savoir cela la NGH
propose, comme on l’a vu plus haut, que l’intellect humain se saisit de noèmes
correspondant aux espèces, des noèmes-espèces
et l’intellect observe ses géniteurs et si l’intellect constate que les noèmes-espèce ont le même noème-géniteur
alors le terme pour signaler ce noème-géniteur sera
appliqué aux noèmes-espèces[23] (on
parlera alors avec Porphyre de prédication).
Puis Porphyre poursuit :
« En effet, parmi les prédicables, les uns ne se
disent que d’un seul, comme les individus (par exemple Socrate, cet homme-ci ou
cette chose-ci), tandis que les autres se disent de plusieurs ( comme les
genres, les espèces, les différences, les propres et les accidents qui sont
communs et non pas particuliers à un seul individu { un genre, c’est par
exemple, ‘animal’ ; une espèce, par exemple, l’homme ; une
différence, par exemple le capable de raison ; un propre, par exemple le
capable de rire ; un accident, par exemple, le blanc, le noir, le fait
d’être assis} ). »[24].
En ce qui concerne les prédicables
qui se disent d’un seul, il faut remarquer qu’avant d’appliquer un tel
prédicable à Socrate par exemple, notre intellect doit trouver un moyen de
réaliser l’unité sous la multiplicité des aspects de Socrate. Socrate, en
effet, a un corps étendu avec des bras, jambes, etc. Il a aussi des qualités
morales, intellectuelles, etc. Tout cela doit être rangé sous une unité dans
notre intellect. Cette unité multiple sera réalisée par un noème appliqué à ce
qu’on voit de Socrate et évidemment ce noème héritera de propriétés et
puissances du noème-animal et du noème-homme. Charles Dunan présente une idée semblable[25] : « Le
premier objet sensible venu réalise pour nous d’une manière parfaite l’unité
multiple qui demeure unité, et la multiplicité une qui demeure multiplicité.
Une maison est un amas de pierres, sans cesser d’être une maison ; un amas
de pierres peut former une maison, sans
cesser d’être un amas de pierres. Mais c’est que la considération de cet
objet unique en soi comporte réellement deux points de vue qui s’opposent l’un
à l’autre. La maison, c’est cet objet surtout en tant qu’il est un, ce qui
n’empêche pas la maison d’être un amas de pierres : l’amas de pierres,
c’est cet objet encore, surtout en tant qu’il est multiple, ce qui n’empêche
pas l’amas de pierres d’être une maison. Entre ces deux points de vue de
l’objet il n’y a pas de milieu : c’est à moi de choisir, et, suivant le
choix que je ferai, l’objet, quoique essentiellement un et multiple à la fois,
m’apparaîtra comme surtout un, ou comme surtout multiple. ».
L’Espèce:
Par rapport à l’espèce Porphyre
écrit :
« 3.
[Les philosophes] définissent donc l’espèce de la façon suivante :
« L’espèce est ce qui est rangé sous le genre, est dont le genre se
prédique relativement à la question : ‘qu’est-ce que c’est ?’. »
4.
Ou encore de la façon suivante : « L’espèce est ce qui est prédicable
de plusieurs différant par le nombre relativement à la question :
‘qu’est-ce que c’est ?’. ». Néanmoins, cette dernière définition ne
vaut que pour l’espèce la plus spéciale, pour ce qui n’est qu’espèce, tandis
que les autres s’appliquent aussi aux espèces qui ne sont pas les plus
spéciales. »[26].
Ce
que l’on a dit plus haut par rapport au genre dans le cadre de la NGH
s’applique aussi à l’espèce. En fait l’espèce, dans la NGH, c’est un noème issu
d’un noème-genre. L’ordre de la génération des genres
et des espèces peut être représenté de la manière suivante :
Et
comme on l’a précisé plus, cette génération se passe de façon holiste. Pour
montrer cela avec un schéma qui montre l’inclusion des puissances et actualités
héritées des noèmes géniteurs on peut se servir du schéma suivant qui concerne le noème-espèce homme,
le noème-genre animal et l’intellect :
Et
comme on l’a vu plus haut, à partir du noème-homme on
peut générer des noèmes-homme-particuliers comme
Socrate, par exemple, le tout de façon holiste. Et à partir du noème
correspondant à Socrate on peut créer d’autres noèmes correspondant aux mouvements de Socrate ou à
ses pensées, etc. et ainsi de suite…
Ce
schéma peut paraître surprenant. On pourrait croire qu’on serait amenés à
affirmer qu’un animal est un homme car apparemment, selon le schéma, animal est
inclus dans homme. Mais en fait ce schéma essaie seulement d’indiquer que dans
le noème (ou pensée) homme les caractéristiques de l’animal sont
incluses, ou, plus précisément, le noème-animal est contenu
en quelque sorte dans le noème-homme. C’est parce que
le noème-animal est en quelque sorte dans le noème-homme que l’on peut affirmer, par exemple, que
l’homme peut se déplace, etc. D’ailleurs, comme on le verra plus bas, Porphyre
écrit, à propos de l’espèce :
« le tout, en effet, est dans ses parties ».
Par
ailleurs il ne faudrait pas confondre le noème-cheval
avec le noème-groupe-de-tous-les- chevaux.
En effet, on pourrait vouloir définir l’espèce cheval par extension, autrement
dit la définir comme étant l’ensemble de chevaux individuels existant mais ce qu’on
obtiendrait dans notre intellect ce serait le noème-groupe-de-tous-les-
animaux et non pas le noème-cheval.
Puis
Porphyre nous donne une exposition qui correspond à ce qu’on appelle l’arbre
de Porphyre :
« 5. Éclaircissons ce que je viens de dire de la
façon suivante. Dans chaque catégorie, il y a des [termes] plus généraux et,
inversement, d'autres [termes] absolument spéciaux, et, entre les plus généraux
et les plus spéciaux, d'autres [termes]. Le plus général, c'est celui au-delà duquel
il ne saurait y avoir de genre plus élevé, tandis que le plus spécial, c'est
celui après lequel il ne saurait y avoir d'espèce subordonnée; et entre le plus
général et le plus spécial, il y a d'autres [termes], qui sont à la fois des
genres et des espèces, mais à chaque fois par rapport à quelque chose d'autre.
6. Éclaircissons ce que nous voulons dire en prenant
l'exemple d'une seule catégorie. L'essence est elle-même un genre; sous elle vient
le corps; sous le corps, le corps animé; sous celui-ci, l'animal; sous
l'animal, l'animal capable de raison; sous celui-ci l'homme; sous l'homme,
Socrate, Platon et les hommes particuliers. Eh bien, parmi ces [termes],
l'essence est le plus général, [c'est-à-dire] ce qui n'est que genre; l'homme
est [l'espèce] la plus spéciale, [c'est-à-dire] ce qui n'est qu'espèce; le
corps est bien une espèce de l'essence, mais genre du corps animé. Et le corps
animé, à son tour, est bien une espèce du corps, mais genre de l'animal; à son
tour, l'animal est bien une espèce du corps animé, et genre de l'animal capable
de raison; et l'animal capable de raison, une espèce de l'animal, mais genre de
l'homme; et l'homme, une espèce de l'animal doté de raison, mais non pas genre des
hommes particuliers, il est seulement espèce; de même tout ce qui, rangé
antérieurement aux individus, en est immédiatement prédiqué, ne peut être
qu'espèce, et non pas également genre. »[27].
Du
point de vue de la NGH on peut faire un schéma des noèmes générés de façon
holiste. Ce schéma correspond de toute façon à la forme de l’arbre de
Porphyre :
Plus
loin Porphyre écrit :
« C'est pourquoi Platon recommandait, en
descendant depuis les genres les plus généraux, de s'arrêter aux espèces les
plus spéciales, et d'accomplir cette descente à travers les termes
intermédiaires en procédant à des divisions au moyen des différences spécifiques;
quant aux [individus] en nombre infini, il faut, disait-il, les laisser de
côté, car il ne saurait y en avoir de science. Quand donc on descend vers les
espèces les plus spéciales, il faut faire des divisions en cheminant à travers
la multiplicité, tandis que lorsque l'on remonte vers les genres les plus
généraux il faut rassembler la multiplicité dans l'un; l'espèce, en effet, et
plus encore le genre, est rassembleuse du multiple dans une nature unique,
tandis qu'à l'inverse les particuliers et les individus fractionnent sans arrêt
l'un dans la multiplicité; en effet, c'est par la participation à l'espèce que
les hommes multiples constituent l'homme un, tandis que par les individus cet homme
unique et commun devient plusieurs ; car le particulier est toujours diviseur,
tandis que le commun est rassembleur et unifiant. »[28].
Ce
passage peut être interprété aussi avec le principe de la génération holiste.
Quand Porphyre fait référence à la divisions, dans la NGH on fait référence à
la génération de noèmes et quand Porphyre fait référence à la remontée et au
rassemblement, dans la NGH on parle soir de recherche de géniteurs, soit à la
création d’un noème-groupe comme on l’a vu plus haut,
ce qui correspond aussi à une génération.
Finalement Porphyre
écrit :
« 16. Donc l'individu est embrassé par l'espèce,
et l'espèce par le genre, car le genre est une sorte de totalité, tandis que
l'individu est partie, l'espèce à la fois tout et partie, mais partie d'autre
chose, et totalité non pas d'autre chose, mais en d'autres choses: le tout, en
effet, est dans ses parties. »
Ces
mots de Porphyre sont très compréhensibles du point de vu de la NGH. En effet, il écrit que le genre est une sorte de
totalité mais pour que cela ait un sens il faut que, par exemple, la notion
d’animal soit dans la notion d’homme comme on l’a vu précédemment. Et
apparemment cela ne peut être réalisé que de façon holiste comme le propose la NGH.
La différence et le propre :
Par
la suite les notions de différence et de propre peuvent expliquées dans la NGH
par les caractéristiques des noèmes comme on l’a vu plus haut. Quand ces
caractéristiques concernent les noèmes appelés « espèces » alors
Porphyre parle de différence.
L’accident :
Chez
Porphyre les accidents correspondent aux puissances des noèmes. Ainsi le noème-homme a la puissance de dormir ou d’avoir des cheveux
roux.
L’espèce comme puissance:
Le
noème-polygone, par exemple, n’est ni un simple mot
ni simple image (c’est évident !) mais une puissance intellectuelle qui me
permet de reconnaître n’importe quel polygone. C’est la même chose pour la
reconnaissance de visages. Mais cette reconnaissance se ferait par génération
de noèmes appliqués aux données sensorielles organisées par le cerveau.
Lorsque
nous sommes confrontés à un objet quelconque et que nous voulons dire ce que
c’est, à partir de l’image formée par notre cerveau l’intellect va
« tester » certains noèmes pour voir s’ils peuvent générer des noèmes
correspondant à l’image formée par le cerveau. Ainsi, si on est confronté à un
hexagone, notre intellect va faire appel au noème polygone pour voir si à
partir de ce noème on peut générer un noème-hexagone
par exemple. Si c’est le cas on dira qu’on voit un polygone et plus précisément
un hexagone.
IV.- La noétique générative holiste et son application
aux sciences formelles en général
La noétique holiste générative
est son application à la linguistique
L’application
de la NGH à la linguïstique est très simple si l’on a
en tête le système des grammaires génératives de Chomsky. Ce système permet de
faire des analyses syntaxiques.
L’analyse
syntaxique est une branche de la linguistique informatique, de la logique
informatique et de l’intelligence artificielle. Son but est d’étudier les
structures des langages naturels ou artificiels afin que, entre autres, les
systèmes informatiques puissent déterminer si une phrase est bien construite ou
non.
Une
petite grammaire du français peut se décrire formellement comme ça
(l’explication se trouve plus bas):
S —>
NP VP
VP
—> V
VP
—> V NP
NP —> Det N
NP
--> N
Voici l’explication:
- Det =
déterminant (« un », « ce », « cette », etc.)
-
N = Nom
-
V = Verbe
-
NP = Groupe nominal
-
VP = Groupe verbal
-
Le symbole « S » correspond à une phrase bien formée.
La petite grammaire formelle indique
qu’une phrase bien construite commence par un groupe nominal et se termine par
un groupe verbal. Puis on indique qu’un
groupe verbal est formé soit d’un verbe, soit d’un verbe suivi d’un groupe
nominal. Et à la fin on indique qu’un groupe nominal est composé soit d’un
déterminant et d’un nom, soit d’un nom simple.
Il faut remarquer que l’ordre est
important. Ainsi, si l’on écrit d’abord le groupe verbal et ensuite le groupe
nominal, la phrase sera mal construite.
Voici un exemple d’analyse avec cette
grammaire:
Les phrases
du type « Voit arbre un Pierre » ou « un Pierre arbre
voit » ne seront pas reconnues par le logiciel et le fameux message
« SYNTAX ERROR » sera affiché.
Le but du logiciel qu’on appelle
« analyseur syntaxique » est justement de voir si une phrase respecte
une grammaire donnée.
Evidemment, le système informatique
imite notre façon d’analyser mentalement les phrases. C’est pour cela qu’on
parle d’intelligence artificielle.
Maintenant, du point de vue de la
NGH, le processus se passe ainsi au niveau de la syntaxe :
a) Pour le cas d’une phrase entendue :
a. Pour chaque mot entendu notre intellect fait appel à un noème-parole. Il est clair que le noème-parole,
par holisme, aura une signification (un noème) qui donnera justement la
catégorie grammaticale qui lui correspond. La signification se fait par
création de groupes holistes comme on l’a vu plus haut.
b. Pour les groupes de paroles il constitue des noèmes-groupes
(comme on l’a vu plus haut) de paroles qui correspondent aux catégories
grammaticales.
c. A la fin si l’intellect arrive à constituer un noème-groupe
de catégories qui peut être généré à partir du noème-phrase
alors l’intellect affirme que la phrase a été bien constituée. Autrement dit
l’intellect reconnaît la phrase grâce à la génération holiste de noèmes à
partir du noème-phrase.
b) Pour le cas où la phrase est écrite, la différence est que dans un
premier temps l’intellect va créer d’abord des noèmes-lettres
à partir de la vue de l’encre répandue sur la feuille, après des noèmes-mots à partir des noèmes-lettres
et après cela se passera comme plus haut pour la syntaxe.
Pour résumer, ce que
fait l’intellect petit à petit est de reconnaître les éléments de la phrase par
la génération de noèmes structurés selon les règles grammaticales fixées. Mais
ces règles grammaticales sont possibles grâce à la génération successive de noèmes-groupes dans intellect. Le noème phrase est un noème
de type « groupe » comme on l’a vu plus et les noèmes générés à
partir du noème-phrase sont aussi des groupes de
noèmes. Il en est de même pour les noèmes-VP,
noème-NP, etc. qui sont des noèmes-groupe
Les noèmes qui correspondent aux catégories
grammaticales sont semblables, par exemple, au noème qui correspond à
« trio musical ». Ce noème contient de façon holiste trois noèmes-humain et ce noème peut nous aider à reconnaître si
un groupe de trois personnes est un non un trio musical. Si l’on voit trois
personnes, pour chacune il y aura le noème-humain et
si chaucune de trois fait de la musique et
travaillent ensemble on pourra générer à partir du noème-trio-musical un
noème particulier (ou instance) qui lui correspond de façon holiste et on dira
qu’on a bien un groupe musical. Il en est de même pour la reconnaissance des
phrases.
Mais pour la compréhension de la phrase, au niveau de
la pensée, il y aura d’autres noèmes créés. En effet, pour la phrase
« Pierre voit un arbre », mise à part la création de noèmes
syntaxiques, il y aura des noèmes qui vont donner le sens profond de la phrase.
Du point de vue de la NGH donc on va générer ou faire appel au noème-Pierre déjà constitué, ensuite on va lui faire
générer l’action de voir avec un objet qui sera le noème arbre comme on l’a
expliqué plus haut.
L’origine des structures arborescentes
génératives en général :
Les
arbres de grammaires de Chomsky, les arbres syntaxiques des formules de la
logique et des mathématiques, les tables taxonomiques, l’arbre de porphyre,
etc., tout cela tirerait son origine de la propriété holistico-générative
de notre esprit.
Même si chaque noème a sa particularité, il garde des liens avec le reste de l’esprit.
Définition
du nombre dans le cadre de la NGH :
Dans
le cadre de la NGH un nombre est un noème-être-groupe
holiste qui a généré et qui contient plusieurs
noèmes-êtres. Etudions par exemple le nombre 3 :
On
aura donc un noème-groupe qui a engendré trois noèmes
de façons holiste. Les trois ellipses à l’interieur
de la grande ellipse représentent les noèmes-êtres
générés. A l’intérieur de chacune des ces trois ellipses il y une petite
ellipse qui représente l’unité incluse dans chaque partie. Autrement dit chacun de ces trois noèmes
générés a des liens avec le tout-trois.
Cet ensemble holiste est un et multiple à la fois. Il est un et trois.
En
fait les noèmes qui correspondent aux nombres sont comme des listes de noèmes
hautement généraux. Par génération le noème-groupe-trois-être
peut générer le noème-groupe-trois-cheval qui
correspond à ce qu’on entend couramment par « trois chevaux ». Chaque
noème généré dans un noème-nombre correspond à un être
et n’a pas vraiment d’accident ni autre trait .
Pour
les nombres plus complexes des noèmes se développent suivant par exemple la
base 10. La génération se passe par noème-groupes contenant dix noèmes générés.
Maintenant
que l’on sait ce que c’est que le nombre 3 dans la NGH, on peut se demander ce
que c’est un nombre en général. En fait un nombre en général, ou le nombre
est un noème-être qui la puissance de générer de
façon holiste d’autres noèmes-êtres. Ce noème-nombre général peut servir pour générer d’autres
nombres.
Noèmes correspondant à l’inteprétation :
Si
l’on a un noème correspondant au dessin X et que l’on dit que X peut être un
nombre alors on crée un système holiste qui lie un noème-nombre
avec le noème correspondant à la figure géométrique du X comme on l’a vu
précédemment.
Le
fait que cela se passe de façon holiste expliquerait pourquoi on pense parfois
qu’il n’y a pas de pensée sans langage. Ceci viendrait du fait que dans notre
intellect les noèmes-mots sont holistiquement
intriqués avec les noèmes-significations qui sont la
pensée qu’on veut signifier. Du fait de cette intrication holiste on peut
croire qu’il n’y a pas de pensée sans langage.
V.- Conclusions :
Comme
cela a été signalé plus haut, l’hypothèse de la Noétique Générative Holiste
s’inspire de travaux de philosophes comme Platon, Aristote, Alexandre
d’Aphrodise, Plotin, Averroès, Juan de Huarte de San Juan, et Chomsky. Nous pouvons mentionner aussi les
travaux de la Gestalt concernant les perceptions, les systèmes de photons
intriqués, la sémantique holiste. On peut représenter ces apports de cette
façon (non exhaustive) :
Comme on l’a dit, l’une des bases de la NGH est que la pensée est une et multiple. Cela a des liens avec beaucoup de principes physiques. Par exemple les particules agissent comme des corpuscules ou comme des ondes. On parle de dualité onde-particule. En tant qu’onde la particule sera étendue, multiple, et en tant que corpuscule elle sera une, définie.
La NGH nous a permis d’expliquer dans la mesure du possible les liens
qu’il y a entre les genres et les espèces chez Porphyre et cela à
un niveau noétique. La NGH nous a permis aussi de d’expliquer les processus
génératifs que l’on observe dans la plupart des sciences formelles.
L’esprit évolue avec les
noèmes qui s’enrichissent grâce à de nouvelles observations de la nature ou
grâce à l’étude des noèmes « a priori » comme certains noèmes
géométriques.
La
NGH ne propose qu’une description du processus de la pensée mais il est clair
que la plupart des questions classiques de la noétique restent ouvertes. Par
exemple on peut s’interroger sur l’origine de la puissance des noèmes
Enfin,
dans le cadre même de la NGH il reste beaucoup sujets
à développer afin de voir s’il faut renforcer ou affaiblir certains principes
de l’hypothèse.
________________________
VI.- Bibliographie
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Taylor John, Cognitive Grammar, Oxford,
Oxford University Press, 2003
Vos A., Un premier
pas vers le relais quantique, in Campus (Université de Genève) N°78
[1] Il est clair que cette approche logique est
toujours suivie par beaucoup de logiciens contemporains qui développent des
systèmes complexes sans toucher aux problèmes philosophiques ou plus
précisément métaphysiques concernant le concept, la vérité, etc. Au moins
Porphyre reconnaît qu’il y a là un problème mais que ce n’est pas le but de l’Isagoge.
[2] Ou dans un monde intellectuel que nous
partagerions.
[3] Cf. Chomsky N., Linguistique cartésienne suivi
de La nature formelle du langage, Paris, Editions du Seuil, 1969
[4] Juan Huarte de San Juan, Examen de ingenios para
las ciencias, Baeza, 1575
[5] D’ailleurs ces réseaux sont très utilisés dans
beaucoup de systèmes informatiques : on les appelle des réseaux
sémantiques (semantic network en
anglais).
[6] Cf. Engel Pascal, La Dispute. Une
introduction à la philosophie analytique (Paradoxe), Paris, éd. de Minuit,
1997, p. 189.
[7] Cf. Bouchard Yves,
« Le holisme épistémologique dans la Critique de la raison pure de
Kant », thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de
l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D), Université de
Montréal, 1997. URL : http://www.theses.umontreal.ca/theses/pilote/bouchard/these.pdf
[8] A ce
propos Charles Dunan écrit: “Nous ne séparons point l’esprit et la pensée.
L’esprit est un sans doute, mais il est aussi divers. Il n’est point le
substratum de la pensée, immobile pendant qu’elle varie ; il est la pensée
même. Ces deux termes pensée et esprit expriment une seule et
même chose, sauf pour une certaine différence des points de vue : le terme
pensée servant à désigner cette chose plutôt pour ce qu’elle est mobile
et variable, le mot esprit, plutôt
pour ce qu’elle est identique et immuable. ». Cf. Dunan Charles, Essai
sur les formes a priori de la sensibilité, Paris, Félix Alcan
éditeur, 1884, Chapitre VII, p. 110.
[9] Aristote, De Anima, III, 5, 430 a 10,
trad. R. Bodéüs.
[10] Cf. Traduction du “De Intellectu”
attribué à Alexandre d’Aphrodise, in Moraux Paul, Alexandre
d’Aphrodise. Exégète de la Noétique d’Aristote (Bibliothèque de la faculté
de philosophie et lettres de l’université de Liège, fasc. XCIX), Faculté de
philosophie et Lettres – Liège, Paris, Librairie E. Droz,
1942, p.187.
[11] Cf. Dunan Charles, Essai sur les formes a priori de la
sensibilité, chap. VII,
p. 106.
[12] Dunan Charles, ibid., chap VIII, p. 115.
[13] Nubiola Jaime et Gurpegui José M., LA
CREATIVIDAD LINGÜÍSTICA EN HUARTE DE SAN JUAN Y NOAM CHOMSKY, Universidad
de Navarra, URL: http://www.unav.es/users/Articulo33.html
[14] Aristote, De Anima, III, 4, 429 a 10, trad. R.
Bodéüs.
[15] Cf. Platon, Parménide,
trad. Luc Brisson, Paris, GF-Flammarion, 1994, p.39,
note 84.
[16] Comme nous l’avons vu plus haut, Aristote
pensait déjà que l’intellect devenait toutes choses.
Autrement dit la chose pensée s’identifie avec l’intellect et elle a alors la
puissance de l’intellect en quelque sorte.
[17] Ce principe de pensée de la pensée appliquée à
l’homme a été aussi défendu par Charles Dunan dans son ouvrage Essai sur les
formes a priori de la sensibilité, chapitre VII
[18] Ceci
est important. Les noèmes ne seront pas forcément les mêmes chez tous les
hommes à part certains noèmes a priori comme l’espace, les noèmes
géométriques, etc. Le noème-animal généré par un
biologiste sera un peu plus riche que celui des non-biologistes
mais du fait que le noème-animal du biologiste est
basé sur des principes a priori (principes de base qui peuvent être en
fin de compte très complexes !) partagés par la plupart des hommes, on
arrivera sans problème à se mettre d’accord sur la signification du terme
« animal ».
[19] Cf. Sowa John F., Knowledge
Representation - Logical, philosophical and Computational Foundations,
Pacific Grove, CA: Brooks/Cole, 2000
[20]
Voir Dunan Charles, ibid.,
chap VIII, p. 118
[21] Cf. Vos A., Un premier
pas vers le relais quantique, in Campus (Université de Genève) N°78
[22] Cf. Porphyre, Isagoge, trad. De Libera
A. et Segonds Ph., Paris, Vrin, 1998, p. 2-3.
[23] En fait ce processus correspond à ce
que faisait Socrate en demandant ce que c’étaient les choses : Socrate
cherchait les géniteurs des noèmes-objets que ceux
qu’il interrogeait portaient dans leur intellect. Par ailleurs il faut
remarquer cette idée d’accouchement à laquelle faisait référence
Socrate, ce qui est proche d’une optique générative.
[24] Porphyre, Isagoge,
ibid., p. 3.
[25] Cf. Dunan C., Essai sur…, chap.
VIII, p.118
[26] Cf. Porphyre, Isagoge, ibid., p.
5.
[27] Cf. Porphyre, Isagoge, ibid., p. 5-6.
[28] Cf. Porphyre, Isagoge, ibid., p. 8.